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‘‘ Sculptur’ ELLE ’’

Sculptrice et poète, Stéphanie Gonnord, revendique une sculpture « émotionnelle » dans la lignée des maîtres modernistes de la moitié du XXème siècle. Portait d’une artiste qui fait vibrer la pierre et le verbe à la force humaniste.

Il faut chercher auprès de ses aïeux, famille d’artistes illustrateurs peintres, pour comprendre les motivations qui ont poussé Stéphanie Gonnord, un jour, à prendre possession de la pierre, la travailler, la façonner, la modeler au gré de ses inspirations. Il faut, sans doute, se plonger dans le paysage poé- tique des contrées finlandaises, terres familiales, pour appréhender son attachement au mot. C’est en toute logique qu’elle a choisi d’être à la fois sculptrice et poète. Presque par vocation. Car la sculpture et la poésie lui sont familières, fil conducteur de sa vision de l’humanité. Ainsi tourne le monde selon Stéphanie Gonnord. Un univers où la forme vibre tel un son, où le verbe devient pierre et vice-versa, l’art de relier le plaisir intellectuel au plaisir manuel.

Une approche artistique qui  s’est vite imposée lors de sa formation en dessin, modelage, design à l’école des beaux-arts du Mans et qui ne l’a, depuis, pas quittée. Les aléas de la vie l’amèneront à entamer une carrière de commerciale. Une parenthèse. Sa passion pour la chose artistique reprenant vite le dessus. Elle parfait sa technique à l’école des beaux-arts de Grenoble. Adepte de la taille directe, elle sculpte intuitivement, sans dessin préalable. La forme émerge vite mais les finitions nécessitent plus d’application, de temps. L’artiste fait ses gammes sur du siporex, un béton cellulaire léger et fragile, mais passe rapidement à la pierre tendre. De la pierre de Charente, calcaire, de Minier, du Tuffeau, qu’elle s’approprie, renouant avec les gestes ancestraux et les outils séculaires que sont le ciseau, la pointe, la gradine, le burin, la rondelle et la massette. Ses créations s’inscrivent dans la grande tradition des sculpteurs modernes du début et moitié du XXème mais trouvent également écho dans les représentations féminines de l’Art des Cyclades (IIIème s. av. JC.).

Ses femmes à corpulence typique synthétisent à la fois la vision humaniste expressive d’Aristide Maillol, la quête de réduction à une forme presque géométrique d’Henri Gaudier Brzeska (Femme assise 1914) et la force graphique de Brancusi ou de Henri Moore (Figure allongée 1932). Elle embrasse à la fois les mouvements Art déco tardif, onirique, moderniste, expressionniste, cubiste – toutes proportions gardées. L’artiste revendique, quant à elle, une sculpture « émotionnelle » à portée symbolique. Une recherche de l’harmonie, un travail sur l’épure, la ligne, la courbe, une approche somme toute classique et universelle. Car il s’agit bien, ici, d’universalité, dans ce sujet millénaire qu’est celui de la représentation de la Femme. Balayant toute dérive érotique, les créations de Stéphanie Gonnord se cristallisent sur la beauté tel « Luxe, calme et volupté » et « Evanescence », sur la mythologie à l’image de « La prière de Daphnée », sur la mère « Volupté » et l’intime comme « La grotte de mes secrets ». Tantôt femme conqué- rante ailée « Divine », femme en repli sur soi « La femme à l’oreiller », tantôt en mouvement « La passerelle », les femmes de Stéphanie Gonnord offrent un large spectre d’émotions, d’attitudes, de sentiments. Un ressort qu’elle puise dans son vécu, au quotidien, au fil des jours et qui trouve résonnance dans l’acte poétique. A chaque sculpture son poème, anticipant ou succédant la création de l’œuvre. Une poésie libérée, lyrique, pédagogique, éclairage nécessaire à la compréhension des œuvres. Justifiée par une volonté de partage et de narration. A moyen terme, Stéphanie Gonnord aspire au grand format, à travailler d’autres matières, plus nobles, tels le bois, le bronze, le laiton. Des projets plein la tête : une sculpture monumentale pour un parc, un livre rétrospectif de ses travaux, des collaborations artistiques, des expositions encore et toujours. Mais pour l’heure, l’artiste se prépare activement à un événement de taille, le symposium estival de Menet, concours d’excellence, réunissant uniquement 5 sculpteurs internationaux triés sur le volet. Reconnaissance de sa maîtrise et force de caractère.

Style-CO Numéro 40

Texte : Pascal Sanson